Fin 2002, j'ai eu une nouvelle console de jeux vidéos : la Gameboy advance, avec des accessoires qui étendaient les possibilités de jeux. Après l'école primaire, je courais au fond du jardin de mes parents, mon « Game Cable Link » à la main, pour échanger et combattre les Pokémons de mon voisin et ami. Chacun de son côté du grillage qui séparait nos jardins respectifs, nous avions les yeux rivés sur nos écrans. La nuit, cachée sous les draps de mon lit, je poursuivais parfois la partie grâce à un accessoire « loupe-lampe » greffé à ma Gameboy. Sans la restriction avisée de mes parents j'aurais pu emmener cette console absolument partout.
Tous ces accessoires dont je parle étendaient mon temps de jeu. Avec la console portable il était déjà possible de jouer de manière nomade. Mais la lampe m'a permis de jouer la nuit, là où je n'étais pas suffisamment éclairée. De plus, elle permettait de jouer en secret, et de dépasser de temps en temps la contrainte parentale. Le zoom, lui, m'a permis de dépasser la fatigue visuelle due au petit écran. Le Game Cable Link, à lui tout seul, changeait l'expérience du jeu. Il ajoutait une interaction sociale : combattre ou échanger par exemple. Étendre ses possibilités de jeu, c'est pour moi, faire reculer les contraintes. Qu'il s'agisse de limitations dans le temps, de limitations physiques ou de limitations d'interaction.
Les accessoires de cette époque qui entouraient les équipements technologiques, comme avec les Gameboy, ont été progressivement absorbés dans les nouveaux objets. La lumière peut être intégrée derrière l'écran et la loupe peut devenir une fonction activée d'un geste. Le Game Cable Link, lui, peut disparaître grâce à la connexion sans fil. Quant aux les jeux, ils n'ont besoin du support des cartouches ni même des CD-rom, il est possible de les télécharger via Internet. Qu'est-ce que cette numérisation des fonctions ou leurs miniaturisations nous apporte ? Plus de mobilité, plus de fonctionnalités, moins de contraintes ? Je dirais en tout cas que jouer à des jeux vidéo est devenu particulièrement facile d'accès.
Le début du XXIe siècle signe l'arrivée du « tout mobile ». Les consoles, les téléphones, les ordinateurs et la musique sont portables. Ce qui nous vaut quelques quiproquos sur nos objets. Portable devient parfois synonyme d'ordinateur ou bien de téléphone. Mobile peut aussi désigner un téléphone et souligne la révolution sous-jacente à cette nouvelle propriété. Alors qu'auparavant, nos pratiques de communication par exemple, étaient attachées à des lieux spécifiques comme une cabine ou l'intérieur de sa maison. Le mobile permet une indépendance géographique de l'usage du téléphone. Les contraintes techniques pour la mobilité ont été dépassées. Cependant, il n'est pas pour autant permis de jouer partout. Là où les limitations techniques imposaient des lieux, les règles de bonne conduites ont pris le relais pour redessiner des frontières au temps de jeu.
Jouer fait partie de nos comportements sociaux dès notre plus jeune âge. Je pense qu'il y a un lien très fort entre le monde du jeu et notre vie sociale. Nous parlons, mais aussi nous jouons, avec nos amis. Les jeux de plateaux sont faits pour jouer en groupe et les enfants sollicitent énormément leurs parents pour jouer. Le jeu vidéo ne fait pas exception. Dans le cas du jeu en réseau, les joueurs sont à distance. En plus des interactions classiques entre joueurs comme s'affronter ou collaborer, divers moyens de communication ont été mis en place, en passant par un forum ou une messagerie instantanée reliés au jeu. C'est une combinaison de fonctions qui est probablement inspirée par nos comportements « hors ligne ». Pour autant, ce n'est pas toujours une réussite. L'intérêt de communiquer est compréhensible. Cependant sur des plate-formes massivement multi-joueurs, les interactions écrites ne sont pas nécessaires pour tous. Malheureusement, elles peuvent vite perdre de leur valeur à cause du comportement de quelques-uns, voir même devenir dérangeantes. À l'inverse, des jeux ont été intégrés à des services de communication comme des messageries instantanées. Personnellement, j'ai trouvé ça drôle et amusant mais plutôt de l'ordre du gadget que d'une véritable fonction importante.
L'expérience de communication qui reste, pour moi, la plus complète est celle des échanges en face à face.
Néanmoins, nos habitudes de communication par messagerie instantanée se répercutent sur ces échanges. Par exemple, durant une conversation, il n'est pas rare de voir une personne sortir son téléphone pour vérifier une information ou montrer une image. On ne recherche plus uniquement dans notre mémoire pour apporter à une conversation, mais aussi dans la mémoire collective des usagers d'Internet au besoin. Peut-être que nous y avons perdus de notre concentration sur l'instant. Mais peut-être que nos échanges sont aussi devenus plus intéressants car nous ne sommes plus limités par notre mémoire individuelle. Quoiqu'il en soit l'usage du multimédia de manière mobile a modifié nos comportements.